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19 oct 2018

Antoine Lutz : « La méditation est un bon modèle pour étudier le fonctionnement du cerveau. »

Chargé de recherche au centre de recherche en neurosciences de Lyon. Antoine Lutz s'intéresse depuis plus de 15 ans à l'impact des pratiques méditatives sur le cerveau et le comportement.

Interview réalisée à l'initiative de Lucie Pascutto, fondatrice de Mindful Attitude.
Antoine Lutz est chargé de recherche au sein du CRNL, le Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon. Depuis plus de quinze ans il s’intéresse à explorer quel est l’impact des pratiques méditatives sur le cerveau et le comportement. Il est également chercheur associé au Waisman Laboratory for Brain Imaging and Behavior, de l’université du Wisconsin à Madison, aux Etats-Unis.

Dans le cadre de vos recherches sur le cerveau, pourquoi vous êtes-vous intéressé à la méditation ?


Antoine Lutz : Je me suis intéressé à la méditation parce que c’était un bon modèle pour comprendre d’une part l’activité consciente, qu’est-ce que la conscience, qu’est-ce que le soi ou encore qu’est-ce que la subjectivité. Ces processus sont altérés ou modulés par la pratique de méditation.

D’autre part, l’étude de la méditation permet de comprendre certaines fonctions mentales, par exemple qu’est-ce que la compassion, qu’est-ce que l’empathie, qu’est-ce que c’est que d’être dans un état de concentration bien ancré par rapport à la distraction par exemple.

La méditation est un bon modèle pour pouvoir étudier le fonctionnement mental, son implémentation dans le cerveau et de voir aussi plus généralement quel est l’impact de ces pratiques sur la santé mentale et la santé physique.

L’effet de la méditation sur le corps a-t-il toujours été étudié par les chercheurs ou s’agit-il d’un sujet d’études scientifiques plus récent voir novateur ?


Au tout début des années 2000 il y a eu un intérêt de la part de chercheurs, dont je faisais partie, de comprendre les mécanismes neurophysiologiques de la méditation, c’est à dire qu’est-ce qui explique ces résultats cliniques que l’on observe après un entrainement de méditation.

Lors des premières études que nous avons menées, nous avons travaillé avec des experts en méditation, des gens qui sont un peu des athlètes de la méditation, voire des champions olympiques de la méditation, qui ont pu faire des retraites de 3 ans par exemple ou médité au moins 10 000 heures dans leur vie.

Avec ces études nous avons essayé de voir si le fonctionnement du cerveau d’un expert méditant était différent par rapport à celui-ci d’un contrôle, d’une personne non méditante.

Nous avons pu mettre en évidence que des fonctions mentales comme l’attention, la régulation de la douleur ou encore l’empathie, avaient un corrélat neuronal différent.

Dans un deuxième temps, nous avons réalisé les premières études longitudinales, c’est à dire des études pendant lesquelles nous avons suivi la même personne au cours du temps, avant et après la méditation, tout en mesurant soit des électroencéphalographies soit l’activité dans le cerveau dans le scanner avant/après.

Et c’est ainsi que nous avons pu démontrer qu’un entrainement intensif de méditation, dans ce cas-là 3 mois, changeait les capacités attentives des personnes et que les processus attentionnels étaient plus flexibles et plus stables chez les personnes qui ont fait un entrainement intensif de méditation par rapport à une population contrôle.

Les études le prouvent à plus reprises : méditer améliore les capacités neuronales des pratiquants. La méditation en pleine conscience a-t-elle d’autres effets moins connus ?


Il n’y a pas seulement des conséquences sur le mental. Il y a aussi un impact sur la santé physique, sur la biologie. De nombreuses études ont montré que ces pratiques ont un effet sur des processus en lien avec l’inflammation notamment et le vieillissement. Dans différentes populations nous avons donc pu démontrer qu’il y a un effet de ces pratiques sur la santé, et notamment d’être en meilleure santé.

D’où les bénéfices de faire au moins 30 minutes de pratique, d’entrainement physique par jour, c’est même recommandé.

Pensez-vous que, comme pratiquer une activité physique ou encore manger 5 fruits et légumes par jour, méditer en pleine conscience sera bientôt recommandé pour se maintenir en bonne santé ?


Il est tout à fait envisageable que d’ici quelques années, lorsque nous aurons un peu plus de recul sur les bienfaits de ces pratiques d’entrainement mental, qu’apparaissent des recommandations qui disent que, de la même manière qu’il faut pratiquer 30 minutes d’exercice physique par jour, il est souhaitable de faire 15 à 20 minutes de méditation ou d’entrainement mental.

Il donc possible qu’une sorte d’hygiène physique et mentale soit recommandée et qu’on s’achemine vers ça pour des raisons de prévention.
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